lundi 26 novembre 2018

Le groupe Boréal de l'IME Zazzo.


Cet article se base sur un entretien  réalisé avec Céline, Sophie, Virginie de l'IME Zazzo.

Les enfants accueillis sur l’IME Zazzo et plus particulièrement ceux qui rejoignent la structure Boréal présentent des difficultés de langage. Ce sont des enfants qui ne parlent pas ou peu, qui peinent à s’adresser à l’autre. Céline, Sophie et Virginie ont donc imaginés des rituels qui posent à la fois des repères stables, dimension indispensable de la prise en charge de ces enfants, mais qui aident, par la même occasion, à l’expression, à la communication, à aller vers l’autre et laisser l’autre aller vers soi.

Elles scindent ainsi la journée de moments forts qui sont autant de repères.

La chanson D’Accueil. Tous les jours à 9h15. Les enfants arrivent, ils enlèvent leurs sacs à dos et tout le monde s’assied autour de la grande table. C’est le moment de se dire bonjour. Ceux qui ne peuvent pas parler chantent en gestes. Chacun s’adresse et répond aux autres selon ses possibilités.

Ce moment, bien plus que de créer une possibilité de groupe et de retisser des liens est un formidable baromètre permettant de prendre connaissance de la disponibilité des enfants, de leur état. Dès l’accueil les professionnels peuvent repérer comment se passera la journée, quelles seront les difficultés rencontrées ou les possibilités et les aménagements à penser et envisager en conséquence. Selon la façon dont les enfants disent bonjour, s’ils y arrivent comme d’habitude, s’ils y sont disposés et parfois simplement leur manière de se tenir, leur posture, donnent des informations très importantes qui aident à construire les soins à dispenser.

Nous voyons là que les professionnels doivent prendre en compte tout un panel de signes constituants des éléments précieux à l’accompagnement des enfants et que ce type de rituel permet aussi de faire advenir de tels signes pour analyser au cas par cas les possibilités à explorer ou les freins à contourner pour y parvenir.

Autre rituel important de la journée : L’Atelier Chansons, qui se déroule immuablement entre 11h50 et 12h10. Cet atelier est constitué de chansons à gestes. Tourne Tourne Petit Moulin; Epo Epo Taï Epo Taï Taï; Ram Zam Zam; Dans mon Pays d’Espagne; Le Pingouin Judoka; Mon Âne.

Toujours les mêmes chansons. Toujours dans le même ordre. Il faut savoir que pour ces enfants, chaque chose est à sa place et doit y rester. Si un élément de l’ensemble change ou disparaît cela n’est pas seulement gênant, c’est angoissant, déstructurant. Le changement à de grandes conséquences. Le monde peut s’écrouler. Si tous les jours ils chantent des chansons dans un ordre précis avant le repas et que tel jour cet ordre n’est pas respecté ou qu’ils ne chantent pas toutes les chansons est-ce que cela veut dire que le repas aura lieu ensuite ?

Pour ces enfants le monde doit rester tangible. Ce qui n’empêche pas les professionnels, justement, de parfois «enlever» une chanson pour travailler le déséquilibre qui en résultera et accompagner les enfants lors de ce moment pour le surmonter et dépasser la peur, la frustration. L’insécurité mesurée et pensée devient un angle d’approche important et inévitable. Un outil dont on ne peut pas faire l’économie si on veut guider les enfants vers autre chose.

Scinder la journée, inventer des repères, rassembler, être et faire ensemble, faire en même temps la même chose dans le même espace sont les bases de la socialisation. Ce sont sur ces points forts que travaillent et œuvrent Céline, Sophie et Virginie. Elles pensent sans cesse, elles pensent tous les gestes qui se font et se donnent à tous les moments de la journée et ce que cela peut répercuter. Il faut savoir que tous les gestes, toutes les paroles ont un impact dans leur effectivité ou dans leur absence et en même temps il n’est pas possible d’évoluer dans un monde identique et totalement sécurisé, toujours certain. Le monde dans lequel nous vivons n’est pas certain à chaque secondes. C’est une des difficultés rencontrée par ces enfants, la dépasser avec eux c’est les aider à être mieux.

© Le blog de la Mayotte
Maira Gall