Cet article se base sur un entretien réalisé avec Céline, Sophie, Virginie de l'IME Zazzo.
Les enfants accueillis sur l’IME
Zazzo et plus particulièrement ceux qui rejoignent la structure Boréal
présentent des difficultés de langage. Ce sont des enfants qui ne parlent pas
ou peu, qui peinent à s’adresser à l’autre. Céline, Sophie et Virginie ont donc
imaginés des rituels qui posent à la fois des repères stables, dimension
indispensable de la prise en charge de ces enfants, mais qui aident, par la
même occasion, à l’expression, à la communication, à aller vers l’autre et
laisser l’autre aller vers soi.
Elles scindent ainsi la journée de
moments forts qui sont autant de repères.
La chanson D’Accueil. Tous les
jours à 9h15. Les enfants arrivent, ils enlèvent leurs sacs à dos et tout le
monde s’assied autour de la grande table. C’est le moment de se dire bonjour.
Ceux qui ne peuvent pas parler chantent en gestes. Chacun s’adresse et répond
aux autres selon ses possibilités.
Ce moment, bien plus que de créer
une possibilité de groupe et de retisser des liens est un formidable baromètre
permettant de prendre connaissance de la disponibilité des enfants, de leur
état. Dès l’accueil les professionnels peuvent repérer comment se passera la
journée, quelles seront les difficultés rencontrées ou les possibilités et les
aménagements à penser et envisager en conséquence. Selon la façon dont les
enfants disent bonjour, s’ils y arrivent comme d’habitude, s’ils y sont
disposés et parfois simplement leur manière de se tenir, leur posture, donnent
des informations très importantes qui aident à construire les soins à
dispenser.
Nous voyons là que les
professionnels doivent prendre en compte tout un panel de signes constituants
des éléments précieux à l’accompagnement des enfants et que ce type de rituel
permet aussi de faire advenir de tels signes pour analyser au cas par cas les
possibilités à explorer ou les freins à contourner pour y parvenir.
Autre rituel important de la
journée : L’Atelier Chansons, qui se déroule immuablement entre 11h50 et
12h10. Cet atelier est constitué de chansons à gestes. Tourne Tourne Petit
Moulin; Epo Epo Taï Epo Taï Taï; Ram Zam Zam; Dans mon Pays d’Espagne; Le
Pingouin Judoka; Mon Âne.
Toujours les mêmes chansons.
Toujours dans le même ordre. Il faut savoir que pour ces enfants, chaque chose
est à sa place et doit y rester. Si un élément de l’ensemble change ou
disparaît cela n’est pas seulement gênant, c’est angoissant, déstructurant. Le
changement à de grandes conséquences. Le monde peut s’écrouler. Si tous les
jours ils chantent des chansons dans un ordre précis avant le repas et que tel
jour cet ordre n’est pas respecté ou qu’ils ne chantent pas toutes les chansons
est-ce que cela veut dire que le repas aura lieu ensuite ?
Pour ces enfants le monde doit
rester tangible. Ce qui n’empêche pas les professionnels, justement, de
parfois «enlever» une chanson pour travailler le déséquilibre qui en résultera
et accompagner les enfants lors de ce moment pour le surmonter et dépasser la
peur, la frustration. L’insécurité mesurée et pensée devient un angle
d’approche important et inévitable. Un outil dont on ne peut pas faire
l’économie si on veut guider les enfants vers autre chose.
Scinder la journée, inventer des
repères, rassembler, être et faire ensemble, faire en même temps la même chose
dans le même espace sont les bases de la socialisation. Ce sont sur ces points
forts que travaillent et œuvrent Céline, Sophie et Virginie. Elles pensent sans
cesse, elles pensent tous les gestes qui se font et se donnent à tous les
moments de la journée et ce que cela peut répercuter. Il faut savoir que tous
les gestes, toutes les paroles ont un impact dans leur effectivité ou dans leur
absence et en même temps il n’est pas possible d’évoluer dans un monde
identique et totalement sécurisé, toujours certain. Le monde dans lequel nous
vivons n’est pas certain à chaque secondes. C’est une des difficultés
rencontrée par ces enfants, la dépasser avec eux c’est les aider à être mieux.