Oriane Seyer, psychologue et Frédéric Sanchez, éducateur
spécialisé, proposent en cette rentrée 2017 un groupe thérapeutique innovant.
Ils nous exposent ici les enjeux et les objectifs de ce projet qui se déroulera
au sein de l’ITEP Robert Commin.
Oriane Seyer :
« Nous avons décidé avec Frédéric d’utiliser pour
médiation de ce groupe un jeu de société appelé Il était une fois. Ce jeu s’appui sur des images pour convoquer
l’imaginaire. Le dispositif que nous
allons mettre en place depuis l’utilisation de ce jeu, vise à répondre de
manière spécifique aux difficultés rencontrées par les enfants, les besoins que
nous repérons chez eux et repose sur notre désir de travailler ensemble. Ce jeu
sera le support permettent de raconter, de se raconter et d’inventer des
histoires.
Nous proposerons cet atelier à quatre enfants de l’ITEP
Robert Commin. Il est question, déjà, de constituer un groupe. Etre ensemble,
construire avec l’autre, avec les autres et donc de trouver sa place au sein du
collectif tout en laissant une place à l’autre. Conjuguer au cœur de la
relation, co-construire. Nous posons comme principe que la résonance de
l’imaginaire entre les intervenants permettra de faire émerger une pensée qui a
du mal à s’exprimer dans la relation duelle thérapeutique. Cela s’adresse à des
enfants qui ont des possibilités d’élaborations qui restent empêchée et à terme
nous visons à relancer des processus de pensées et de symbolisation.
Ce jeu de société que nous utilisons est important dans la
mesure où il crée du tiers, un intermédiaire. A travers ce support les enfants
ne parleront pas directement d’eux, ils ne seront pas directement exposés. Ils
seront dans un décalage permettant d’aborder quelque chose du lien à l’autre,
leurs émotions, leur histoire, sans qu’ils y soient pris comme sujet principal.
Parallèlement, Frédéric et moi allons, nous aussi, devoir
construire ensemble. L’interdisciplinarité
est une des idées fortes de ce projet.
C’est aussi une manière de co-construire. Cette association est amenée à
évoluer en fonction de ce que les enfants amèneront. Nous voulons nous laisser
porter par leur imaginaire, ils nous guideront et pour cela nous allons nous
appuyer sur le fait que dans la tête des enfants, dans leur représentation, un
éducateur et une psychologue ce n’est pas la même chose. Nous avons des
fonctions et des places différentes, mais de par notre association, dans ce cadre
rassurant, naîtra quelque chose qui ne peut s’exprimer ailleurs depuis la
manière de le recevoir. »
Frédéric Sanchez :
« En tout premier lieu cet atelier est interdisciplinaire,
c’est un choix. Pour l’enfant, avoir deux interlocuteurs occupant des fonctions
dans des champs différents, permet de lever des défenses. C’est une réelle
richesse parce que l’enfant ne s’adresse pas à nous pour les mêmes choses. Nous
sommes deux regards complémentaires.
Avec Oriane nous sommes partis de ce constat qu’il est
important pour les enfants que nous accompagnons de ne pas travailler
essentiellement sur les registres du réel et du symbolique, mais aussi
d’investir l’imaginaire. A travers l’imaginaire ils peuvent parler d’eux sans
crainte. Généralement ils sont coupés de l’émotion de base qui les envahie et
ne peuvent y accéder. Il s’agit là de déplier quelque chose de cette émotion
enfouie, étouffée. Créer un lieu où
l’agressivité pourra s’exposer autrement et aiguiller sur un chemin qui
permettra d’aller contre la confusion. A mon sens l’imaginaire permet de jouer
un rôle et il est établi que les enfants entendent les histoires, les contes,
en y projetant énormément. Le loup n’est
pas qu’un loup dans un conte, il véhicule plus loin, il condense un grand nombre
de peurs, de fascinations aussi. Nous voulons travailler avec l’imaginaire des
enfants, le mettre en avant, y mettre du sens pour faire émerger ce qui pour
eux est difficile à parler, à penser.
Parce que parler n’est pas si facile, utiliser un support extérieur est
important. C’est pour cela que nous utiliserons le jeu Il était une fois.
Nous aimerions que le groupe que vont constituer les enfants
soit comme un instrument, une caisse de résonance, mais la partition n’est pas
écrite. Nous allons composer ensemble.
Nous ne savons pas où les enfants vont nous mener par le biais de leur
imaginaire, ailleurs certainement. Nous allons voyager ensemble, cheminer. Nous
ne savons pas si nous produirons quelque chose à l’arrivée. L’idée n’est pas
forcément de laisser une trace. Bien sur nous aimerions que les enfants
inventent une histoire, mais ça reste à voir. L’objectif principal est de les
ramener vers la parole, une autre parole, une autre façon de se situer dans le
monde des émotions, dans le monde tout simplement. »