Le dimanche 23 Juillet, au GEM de Montreuil, dans le cadre du projet "L'Etat du Terrain", une trentaine de participants venus des GEM d'Epinay, Anouville, Bondy et du quartier se sont retrouvés pour participer à "Passages Secrets" : une randonnée photographique et poétique dans les interstices du quartier Branly-Boissières, rythmée par le bruit des déclencheurs et la lecture du texte "A perte" de Pierre-Alain Huart ...
... Au milieu des friches, aux abords d'un terrain de foot, un bar sauvage à l'ombre d'un sous-bois, des jardins un peu cachés, des terrains vagues, à la rencontre des habitants, des associations ... accompagnés par le photographe Philippe Koch.
Et à la nuit tombée, sous la lune noire, absente, nous avons développé les pellicules, puis les tirages ont commencé, à ciel ouvert. Le claquement du minuteur, les apparitions sur le papier.
Jusqu'aux alentours de minuit.
Arnold Bugnet, auteur et coordinateur de "L'Etat du Terrain".
Merci à Kader pour les repérages et l'itinéraire de la randonnée.
Ce projet bénéficie de l'aide du contrat de Ville de la ville de Montreuil pour le quartier prioritaire Branly-Boissières.
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Photo /// Philippe Koch /// 2017 |
A PERTE (extrait), de Pierre-Alain Huart
Je me demande où ils
vont. Je ne sais jamais s’il faut dire
qu’ils sont perdus. C’est je pense du désir d’y revenir. Tout ce qu’on perd. Tout ce qu’on trouve et son lieu de
dépôt. Ce qui reste en attente. Je me demande où ils vont. Stockés, archivés, consignés,
référencés. On ne perd pas n’importe
quoi, n’importe où. Ce qui est perdu à
son lieu de dépôt. Je me dis que la perte est au centre de tout. Je veux entendre les mots de la perte
aussi. Ces visages qui manquent je me
demande où ils vont. Je veux trouver les
mots pour les faire revenir, me souvenir d’un détail marquant, quelque chose
qui rattache irrémédiablement. Décrire
la forme, la couleur. Trouver les mots
qui disent au plus juste. C’est possible. Se souvenir déjà de l’endroit où ils ont disparues, quand, dans quelles
circonstances. Chaque semaine je me
rends dans ce hangar sombre et humide. Un lieu déserté en bordure de la ville.
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Photo /// Philippe Koch /// 2017 |
A PERTE (extrait), de Pierre-Alain Huart
Alors je me tais. Je regarde. Je prends des photos. De toute
façon j’ai perdu trop loin. Les gens que
je connaissais? Non, personne. J’ai perdu leurs noms, leurs adresses, leurs
téléphones. Les objets aussi. Je reste devant un objet sans savoir son nom,
le mot pour le dire. Le truc pour couper
la viande. C’est quoi le mot pour
dire? Je ne sais pas. Je peux le dire en image. Je montre la chose. J’ai des centaines de photographies stockées
dans cet appareil. La carte mémoire et
pleine. Des images imprimées aussi, que
je garde dans ma poche. Mais c’est un
peu moins tous les jours. L’appareil
photo il reste pendu à mon cou. Je dors
avec aussi. Je ne l’enlève pas, le
recharge la nuit. Pour pas le
perdre. Si je perds l’appareil, j’ai
quoi ? Qui reste ? La photo du visage c’est vous qui
l’avez.
Elle est où ? Non. Je parle plus.
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Photo /// Philippe Koch /// 2017 |