Voici le témoignage du psychomotricien de l'ITEP Chevaleret, autour du jeu de société Dr Maboul :
Je suis psychomotricien et j’ai
commandé à l’association de la grande recrée plusieurs jeux dont, le Dr Maboul.
Dans ce jeu, il y a un patient allongé sur une table d’opération en 2 dimensions
et nous devons tenir le rôle du médecin. A l’aide d’une pince métallique, il
faut retirer tous les objets en plastique coincés dans son corps. Si nous
touchons les bords, le patient vibre et il faut recommencer. J’ai essayé le jeu
moi-même et je l’ai trouvé assez difficile, il fallait faire preuve de beaucoup
de patience, de gérer sa frustration, d’être très précis et de fixer
intensément son attention pendant un certain temps.
Au cours d’une séance avec un
enfant de 11ans, je me suis retrouvé à court d’idée. Je lui ai donc proposé d’aller
chercher dans les placards des nouveaux jeux qu’il aimerait essayer. Il choisit
alors le « Dr Maboul ». « Aïe » pensais-je, « ça risque
d’être compliqué ». En effet, l’enfant en question était assez
distractible, intolérant à la frustration et peu habile. Donc, à priori, pas
les qualités premières pour réussir ce jeu. « Tant pis », pour une
fois qu’il choisissait spontanément quelques choses de nouveau, pas question de
passer à côté de cette opportunité. On a donc commencé à y jouer.
Au début, je mettais les objets
les plus gros et les plus faciles à négocier pour ne pas qu’il se retrouve en
situation d’échec trop rapidement. Le jeu se déroulait bien, il souriait,
faisait des blagues et au bout d’un certain temps a réussi à retirer toutes les
‘pommes’, les ‘seaux’ et autres ‘stylos’
du corps de ce pauvre patient.
« Bien, maintenant que j’ai
réussi tu vas mettre les autres objets que tu as laissé dans la boite, je vais
tous les faire et les réussir, tu vas voir » me dit-il.
« Aïe, aïe » pensais-je
de nouveau. Je redoutais fortement que l’accumulation des frustrations soit
trop difficile à gérer pour lui. Mais devant son insistance et son désir de me
montrer à quel point il pouvait passer outre de ses difficultés j’acceptais de
continuer le jeu.
A ma grande surprise il réussissait
assez bien la plupart des éléments, mais il avait laissé le plus dur à la fin.
Une ‘licorne’ coincé dans le ventre.
Il essaya une première fois, le
patient vibra instantanément, une deuxième fois, pareil etc.. Après 10 tentatives,
j’avais arrêté de compter. j’essayais de calmer l’enfant et de le rassurer car
je voyais bien qu’il avait du mal à supporter cette situation. Mais il a
continué, encore et encore. Un acharnement à la fois beau
tellement il était important pour lui de prouver à soi et à l’autre qu’il est
‘capable de’ et aussi difficile, car plus il ratait plus son geste devenait
moins précis.
Et quand je me suis préparé à
changer de jeu, a arrêter, pour éviter de se retrouver dans une situation qui
risquait de le mettre en trop grande difficulté, là, comme par magie, comme ci
le jeu lui-même s’était transformé en allié, au bout d’une énième tentative il
réussit !
C’était le geste parfait, exécuter
à la perfection et dans les meilleurs conditions.
Soudain Son visage s’illumina, je
ressenti toute la fierté qui émanait de lui. Pour des enfants qui ont vécu et
ressenti de nombreux échecs et déceptions, il est essentiel de faire aussi expérience de l’accomplissement et de la fierté.
Il est ainsi reparti avec un
large sourire, la posture droite et digne. Merci Dr Maboul.